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Le présent article traite d’hypothèses d’emprunts bancaires et de lignes de découvert effectués par des professionnels (afin financier des rachats de sociétés, des acquisitions de biens immobiliers professionnels, etc.), pour lesquels l’établissement bancaire exige bien souvent qu’une garantie-décès soit signée par le dirigeant et/ou les associés majoritaires.
Ainsi, en cas de décès du dirigeant et/ou des associés majoritaires, la garantie entrera en jeu et la Banque sera indemnisée à hauteur du montant restant dû sur le financement.
Dans ce cadre, la société ayant souscrit l’emprunt se retrouvera déchargée de ce passif bancaire.
Cette solution classique paraît à première vue couvrir le dirigeant et ses héritiers du risque lié à son décès.
Toutefois, ce schéma peut s’avérer particulièrement coûteux pour la société ainsi que pour les héritiers.
En effet, dans cette hypothèse, la société, du fait de la disparition de son passif bancaire, devra constater comptablement et fiscalement un revenu exceptionnel. Ce revenu sera imposé entre les mains de la société, à l’impôt sur les sociétés.
En outre, suite à la suppression de ce passif bancaire, la valeur de la société augmentera mécaniquement.
Or, ce sera cette valeur qui sera prise en compte comme assiette des droits de succession.
Afin d’illustrer ces propos, vous trouverez ci-dessous un exemple chiffré et synthétique d’une entreprise d’une valeur de 1.000.000 euros ayant contracté un emprunt de 500.000 euros. Cet exemple n’a qu’une valeur d’exemple afin de permettre de comprendre le mécanisme lié à la perception d’une indemnité d’assurance décès au profit de la Banque.
VALEUR ENTREPRISE |
1 000 000,00 € |
MONTANT EMPRUNT A REMBOURSER |
500 000,00 € |
REVENU EXCEPTIONNEL DE LA SOCIETE |
500 000,00 € |
MONTANT DE L'IMPOSITION |
125 000,00 € |
VALEUR DE LA SOCIETE SUITE AU PAIEMENT DE L’IMPOT |
875 000,00 € |
MONTANT DES DROITS DE SUCCESSION (LIGNE DIRECTE) Un taux de 25% est ici retenu pour l’exemple |
218 750,00 € |
MONTANT A PAYER TOTAL (IS + DROITS DE SUCCESSION) |
343 750,00 € |
Les héritiers auront donc à leur charge un surcoût de droits d’enregistrement, alors même qu’ils ne bénéficieraient que de titres de sociétés, et d’aucune trésorerie afin de régler ces droits.
Afin de pallier cette problématique majeure, il est opportun de modifier la clause bénéficiaire de la garantie, au profit d’un tiers Avocat ou Notaire, afin que le montant de la garantie soit séquestré auprès de ce tiers, et non versé directement à la Banque.
Ce montage s’appuie sur la jurisprudence dite « MUSEL » (arrêt du Conseil d’Etat en date du 10 juillet 1992,n°110213).
Nous reviendrons ci-dessous sur le mécanisme et les avantages de ce montage, permettant de sécuriser la transmission de votre patrimoine professionnel.
Issue d’un arrêt du Conseil d’Etat en date du 10 juillet 1992 (arrêt Musel, n°110213), la clause de séquestre constitue une dérogation au régime général exposé ci-dessus.
En effet, dans les contrats d’assurance décès-invalidité comprenant une clause de séquestre, le bénéficiaire désigné n’est pas la banque, mais un Avocat ou un Notaire. Ce dernier aura la qualité de tiers séquestre et il aura pour mission de conserver les sommes versées par l’assurance.
Ainsi, l’objectif de la clause de séquestre est que le contrat de prêt se poursuive et soit honoré dans les conditions initialement prévues et en suivant l’échéancier convenu. La clause de séquestre conduit donc à laisser la dette courir jusqu’à son terme.
Dans ce cadre, en cas de décès ou d’invalidité du dirigeant objet du contrat, l’assurance versera le capital restant dû à l’Avocat ou au Notaire qui séquestrera ladite somme. Le contrat de prêt se poursuivra donc et l’entreprise continuera de rembourser le prêt.
Par conséquent, la dette restera inscrite au passif de la société et ne constituera pas un revenu exceptionnel ce qui lui permettra d’échapper à l’imposition.
De plus, la clause de séquestre présente également un avantage en matière de succession.
En effet, dans cette hypothèse la valeur de l’entreprise transmise sera réduite par la dette, ce qui aura pour conséquence de réduire les droits de succession.
De nouveau, vous trouverez ci-dessous l’exemple posé précédemment d’une entreprise d’une valeur de 1.000.000 euros ayant contracté un emprunt de 500.000 euros. Toutefois, dans ce cas l’entreprise aura inclut une clause de séquestre dans son contrat d’assurance.
VALEUR ENTREPRISE |
1 000 000,00 € |
MONTANT EMPRUNT A REMBOURSER |
500 000,00 € |
REVENU EXCEPTIONNEL DE LA SOCIETE |
- € |
MONTANT DE L'IMPOSITION |
- € |
VALEUR DE LA SOCIETE |
500 000,00 € |
MONTANT DES DROITS DE SUCCESSION (LIGNE DIRECTE) |
125 000,00 € |
MONTANT A PAYER TOTAL |
125 000,00 € |
Par ailleurs, une telle clause ne porte pas atteinte aux garanties de la banque puisqu’en cas de non-remboursement du prêt par la société cette dernière aura la possibilité de se tourner vers le tiers séquestre afin d’obtenir les montants dus.
Dans le cadre de l’arrêt Musel précité, le Conseil d’Etat a retenu que le paiement des primes d’un contrat d’assurance décès-invalidité correspondait à un acte normal dès lors que cette assurance est souscrite dans l’intérêt de la société et qu’elle répond à ses besoins.
En effet, le Conseil d’Etat indique que :
« dans le cas où le crédit consenti par la banque consiste en l'octroi d'une autorisation de découvert dont seul le maximum est fixé et dont le montant peut être inférieur à ce maximum ou même nul lors du décès éventuel du dirigeant qui a accordé sa caution, les primes d'assurance peuvent constituer une charge normale de l'entreprise ».
Par ailleurs, dans cet arrêt le Conseil d’Etat déclare également que :
« la seule circonstance qu'une opération de cette nature puisse comporter un avantage éventuel pour un tiers, ne suffit pas à lui donner le caractère d'une opération anormale dès lors qu'elle n'est pas contraire ou étrangère aux intérêts de la société ».
Pour plus de clarté, vous trouverez ci-dessous un tableau récapitulatif des exemples précités.
MONTANTS |
SANS CLAUSE DE SEQUESTRE |
AVEC CLAUSE DE SEQUESTRE |
VALEUR ENTREPRISE |
1 000 000,00 € |
1 000 000,00 € |
MONTANT EMPRUNT A REMBOURSER |
500 000,00 € |
500 000,00 € |
REVENU EXCEPTIONNEL DE LA SOCIETE |
500 000,00 € |
- € |
MONTANT DE L'IMPOSITION |
125 000,00 € |
- € |
VALEUR DE LA SOCIETE |
875 000,00 € |
500 000,00 € |
MONTANT DES DROITS DE SUCCESSION (LIGNE DIRECTE) |
218 750,00 € |
125 000,00 € |
MONTANT A PAYER TOTAL |
343 750,00 € |
125 000,00 € |
Ainsi, il apparait que la clause de séquestre permet à l’entreprise de ne pas constater de revenu exceptionnel et ainsi d’éviter une imposition à hauteur de 125.000 euros.
Par ailleurs, la clause de séquestre réduit également la société à une valeur de 500.000 euros ce qui a pour conséquence de limiter le montant des droits de succession.
Pour conclure, dans l’hypothèse où une entreprise d’une valeur de 1.000.000 euros contracterait un emprunt bancaire de 500.000 euros, l’intégration d’une clause de séquestre dans le contrat d’assurance décès-invalidité de son dirigeant pourrait lui permettre d’économiser 218.750 euros. Ces montants n’ont encore une fois que valeur d’exemple, afin de permettre d’appréhender la portée de l’intégration d’une telle clause au contrat d’assurance.
Date de rédaction : 2/09/2020