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Cet article est la suite de l'article introductif sur l'Open data :
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Comme beaucoup de professionnels, les Avocats sont de facto soumis à la pression des « notes » ou des « appréciations » publiques sur internet.
Nombreuses sont ainsi les plateformes ayant construit leur business models sur la génération et la prétendue certification de « notes » dédiées aux Avocats.
Il est ainsi particulièrement intéressant de voir que les Avocats semblent être l’une des professions comptant le plus grand nombre de plateformes visant à les référencer et les trier.
Très peu de plateformes visent en effet à référencer les Médecins, les psychologues, les Notaires ou les Experts-comptables.
Or, il existe des dizaines de plateformes dont l’unique objet est de référencer des avocats et créer des « relations » avec des clients.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Cette situation s’explique, à notre sens, par plusieurs éléments :
Ces éléments ont bien été identifiés par les acteurs du référencement, qui puisent ici une clientèle particulièrement importante et captive.
Les Avocats ont toujours été « notés », de manière directe ou indirecte, par leurs clients et partenaires.
Toutefois, le contexte actuel permet à des acteurs d’ « industrialiser » et de publier ces notations, pour le meilleur et pour le pire.
A cet égard, le CNB s’était saisi de cette question à l’encontre de la société Jurisystem, qui mettait en avant, entre autres, un système de notation des Avocats.
D’autres questions relatives à la rémunération de la plateforme ou le périmètre du droit étaient posées, cependant nous ne reviendrons ici que sur la question de la notation.
Par un célèbre arrêt en date du 11 mai 2017 (n°16-13669, CNB c/ Jurisystem), la Cour de cassation est ainsi venue poser quelques principes basiques en matière de notation :
Cette décision, d’une limpidité rare, ouvrait donc la boîte de Pandore de la Notation des Avocats.
Depuis, beaucoup de plateformes ont donc vu le jour, se rêvant comme le nouveau référent en la matière.
La problématique désormais reste qu’il existe un trop grand nombre de plateformes, classant les avocats selon des critères qui leur sont propres, à tel point que la création d’une plateforme référençant les plateformes de référencement des avocats devrait voir le jour.
Au regard des éléments précités, le principe même de la notation des prestations ne pose pas grande difficulté.
Nous vivons dans un monde où grand nombre de personnes n’ont d’autre occupation que de commenter ou noter tout ce qui leur passe par l’esprit, y compris la relation avec leur avocat…
La notation est ainsi devenue un critère de sélection important, voir primordial, afin de sélectionner un professionnel.
Cela a bien évidemment toujours existé. Toutefois, avant la création de ce type de plateformes, les personnes ayant un commentaire à effectuer sur une prestation le faisaient directement auprès du professionnel concerné, ou envers un cercle restreint de personnes.
Le commentaire effectué était donc reçu, à l’aune de la personnalité de son auteur, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Avec internet, chaque bénéficiaire d’un service peut dorénavant noter la prestation dont il a bénéficié (ou dont il n’a pas bénéficié d’ailleurs) publiquement et selon ses propres critères ou ceux dictés par la plateforme de notation.
Dans ce cadre, la question principale n’est pas forcément celle du principe de la notation, mais celle des critères retenus afin d’établir une note.
a) L’impossibilité de retenir des critères de notation purement objectifs et adaptés
Par principe, les critères retenus devraient être purement objectifs et reposer notamment sur :
Or, ces critères objectifs sont purement et simplement inapplicables.
D’une part, le fait d’avoir obtenu des diplômes et certifications spécifiques n’assurent pas de la qualité du travail réalisé.
D’autre part, la relation client/avocat repose sur un déséquilibre de connaissances. En effet, le client ne possède pas les connaissances et compétences liées aux aspects purement juridiques de la mission de l’Avocat, il ne lui est donc pas possible de « noter » le professionnel sur ces critères, sauf rares exceptions.
Enfin, il convient de ne pas oublier que l’Avocat n’est pas au service de son client. Il ne s’agit pas d’un simple prestataire de services ayant pour objet de délivrer ce qu’un client lui commande.
Un Avocat se doit de conseiller son client, ce qui revient parfois à le freiner ou à lui rappeler que l’opération envisagée lui ferait courir un risque trop important. Dans ce cadre, un Avocat doit purement refuser d’exécuter une commande si cela n’est pas dans l’intérêt de son client ou n’est tout simplement pas possible.
En outre, l’Avocat est tenu à des obligations déontologiques (secret des correspondances, secret professionnel, etc.) qui font qu’il ne peut réaliser certains actes, alors même que cela serait dans l’intérêt de son client.
Dans ce cadre, bien que l’Avocat ait parfaitement rempli son obligation de conseil, la prestation délivrée au client aura parfois un caractère déceptif.
Par ailleurs, le client n’est bien souvent pas capable de juger de la qualité purement juridique de la prestation délivrée.
L’Avocat ne peut être noté comme un restaurant, par exemple. Dans un restaurant, les critères liés au goût du plat, à la fraicheur des aliments ou à la tenue du service sont des éléments objectifs, qui peuvent être notés par tout à chacun.
Nous pensons encore qu’il en est différemment des Avocats.
En conséquence, et devant ces difficultés, les plateformes ont dû se tourner vers d’autres critères, bien moins efficaces mais plus bankables.
b) La foire aux critères de notation, un nouveau Business
Les critères objectifs de notation n’étant pas applicables aux Avocats, la sagesse aurait présidé à ce que la notation des avocats soit purement et simplement abandonnée.
C’était sans compter sur l’ingéniosité des plateformes, qui se sont alors tournées vers les méthodes classiques de notation, en fonction de critères purement subjectifs et annexes.
Ainsi, les critères les plus souvent utilisés sont :
Dans ce contexte, l’Avocat « idéal » répond à chaque email en moins de 24 heures, reste bienveillant et agréable vis-à-vis de sa clientèle en toute circonstance et ne facture bien évidemment pas (à l’exception des frais de mise en relation ou d’abonnement qui, eux, restent facturés par la plateforme de mise en relation bien entendu…).
D’un autre côté, on pourrait dire que cet avocat « idéal » n’a pas ou très peu de clients, ce qui lui permet en effet de répondre rapidement à chaque sollicitation, qu’il accepte chaque demande de ses clients sans sourciller et qu’en raison de son faible taux de facturation, sa durée de vie dans notre profession ne sera que très courte…
Les critères utilisés par les plateformes visent à créer une nouvelle pression sur les Avocats, afin de mieux les trier, de mieux les comparer en fonction de critères simples d’accès.
En outre, nous remarquons bien souvent que chaque nouvelle inscription à une plateforme permet à l’Avocat inscrit de bénéficier de notes plus que bienveillantes, ce qui permet à l’Avocat de capter une clientèle sur la base de ses premières notes, qui sont bien souvent manipulées.
Il s’agit d’une méthode classique de captation de la clientèle, qui permet ainsi aux plateformes d’accueillir de plus en plus d’avocats, et donc de clients.
Mais qu’en est-il par la suite ?
Que se passe-t-il lorsque la note chute ou menace de chuter brusquement, en raison de retours négatifs de clients ?
Quel autre choix aura l’Avocat concerné, s’il veut maintenir ou améliorer sa note et donc sa clientèle, que de se plier à la politique de la plateforme (réponse en 24 heures, honoraires fixes, etc.) ?
S’il ne respecte pas les critères fixés par la plateforme, l’Avocat en sera exclu purement et simplement exclu.
Cela revient à dire qu’un Avocat peut d’une part être jugé par des tiers, selon des critères qu’il ne maîtrise pas, et fera dépendre son activité et sa relation clients de plateformes commerciales qui ne respectent aucune règle déontologique et n’ont que faire, bien souvent, de la qualité juridique du service rendu.
Lorsque l’on parle de notation des Avocats, les chantres de cette pratique rappellent qu’une mauvaise note n’est pas un élément perturbateur, à condition pour le professionnel de répondre à cette mauvaise note par des éléments objectifs et explicatifs.
Nous sommes parfaitement d’accords sur ce constat, qui reste une base de la visibilité sur internet.
Toutefois, appliquer concrètement ce principe aux Avocats pose difficulté.
En effet, il convient de ne pas oublier que le secret professionnel de l’Avocat est général et absolu.
Il convient en outre de rappeler que le secret professionnel n’est pas un droit de l’Avocat, mais un devoir qui s’impose à lui et dont il ne peut se défaire.
Reste ainsi compris dans le champ du secret professionnel l’intégralité de la relation client/avocat, et donc l’identité même du client de l’Avocat.
Il est en effet bon de rappeler, à l’heure ou beaucoup de confrères publient le nom de leurs clients sur internet, que cette pratique est purement et simplement interdite (sauf le cas d’un appel d’offres notamment), même en cas d’accord du client concerné (CNB, Comm. RU, avis n° 2013-023 du 5 sept. 2013).
Dans ce cadre, il est notamment interdit de citer de manière directe ou indirecte l’identité d’un client en tant que « référence », qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, sauf dans de rares cas.
Là-encore, notre déontologie n’est pas appliquée de manière uniforme sur le territoire, certains Barreaux ayant une politique plus stricte que d’autres en la matière…
Ainsi, du côté client, rien n’empêche ce dernier de divulguer les détails de la relation qu’il a eue avec l’Avocat, le client est donc libre d’attribuer une note ou une appréciation, en l’absence d’interdiction générale et absolue.
Du côté de l’Avocat, le simple fait de répondre à un commentaire revient à rompre le secret professionnel.
C’est aussi simple que cela…
Dans ce cadre, l’Avocat ne peut se défendre ou tenter de s’expliquer, sauf à rappeler ses obligations déontologiques.
Il y a donc là-encore un déséquilibre dans la relation client/avocat, les deux parties n’étant pas soumises aux mêmes règles.
A cet égard, une redéfinition du secret professionnel s’avère nécessaire afin de mettre à jour la Doctrine du CNB par rapport aux pratiques actuelles.
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